La course à la production d’acier écologique
Catégorie : Industrie
Par Margot Montagner
Le 29 juillet 2022
Dans la ville de Woburn, Massachusetts, une banlieue située juste au nord de Boston, un groupe d’ingénieurs et de scientifiques en blouse blanche examinaient une pile de lingots d’acier de la taille d’une brique, dans un laboratoire éclairé au néon. Ce qu’ils observaient, c’était un lot d’acier créé à l’aide d’une méthode de fabrication innovante et écologique, une méthode dont Boston Metal, une entreprise issue du MIT il y a dix ans, espère qu’elle modifiera radicalement la façon dont l’alliage est fabriqué depuis des siècles. En utilisant l’électricité pour séparer le fer de son minerai, l’entreprise affirme pouvoir fabriquer de l’acier sans émettre de dioxyde de carbone, offrant ainsi la possibilité de nettoyer l’une des pires industries au monde en matière d’émissions de gaz à effet de serre. La production d’acier, une catastrophe écologique Le bilan L’acier est une contribution essentielle pour l’ingénierie et la construction, c’est l’un des matériaux industriels les plus utilisés au monde, avec plus de 2 milliards de tonnes produits chaque année. Cependant, cette abondance a un certain coût pour l’environnement. La production d’acier représente 7 à 11% des émissions de gaz à effet de serre globales, en faisant l’une des plus grandes sources industrielles de pollution atmosphérique. Et vu que la production pourrait augmenter d’un tiers d’ici 2050, ce fléau environnemental pourrait encore plus se développer. Cela pose un problème important pour aborder la crise climatique. Les Nations Unies affirment que couper les émissions industrielles de carbone de manière significative est essentiel pour conserver le réchauffement climatique en dessous du niveau d’1.5°C décidé lors des accords de Paris pour le climat en 2015. Pour ce faire, d’après les estimations de l’Agence Internationale de l’Énergie, les émissions provenant de l’acier et des industries lourdes devront chuter de 93% d’ici 2050. Vers une décarbonisation du secteur Face à la pression croissante des gouvernements et des investisseurs pour réduire les émissions, beaucoup de producteurs d’acier (incluant les producteurs majeurs et les startups), expérimentent avec des technologies faibles en carbone, qui utilisent de l’hydrogène ou de l’électricité au lieu d’une fabrication qui consomme beaucoup de carbone. Certains de ces efforts sont en passe de devenir une réalité commerciale. « Nous parlons d’un secteur à forte intensité de capital, peu enclin à prendre des risques, où les perturbations sont extrêmement rares”, a déclaré Chriss Bataille, économiste spécialiste de l’énergie à l’IDDRI, un institut de recherche basé à Paris. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, « il est passionnant » que tant de choses se passent en même temps. Pourtant, les experts s’accordent à dire que la transformation d’une industrie globale qui a réalisé un CA de 2 500 milliards de dollars en 2017 et qui emploie plus de 6 millions de personnes, va demander d’immense efforts. Au-delà des obstacles pratiques à la mise à l’échelle de nouveaux processus à temps pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, la Chine, qui produit plus de la moitié de l’acier dans le monde et dont les plans de décarbonisation du secteur de l’acier restent vagues, suscite des inquiétudes. “Ce ne sera pas simple de décarboniser une industrie comme celle-ci”, à déclaré M. Bataille. “Mais nous n’avons pas le choix. Le futur du secteur – et celui de notre climat – ne dépend que de cela.” Comment l’acier est-il produit et pourquoi est-il polluant ? Les moyens modernes de production d’acier impliquent plusieurs étapes. Le plus souvent, le minerai de fer est transformé en travertin (un solide brut), ou en boulettes. Séparément le charbon est cuit et transformé en coke, un résidu de charbon quasi pur. Le minerai et le coke sont ensuite mélangés à du calcaire et introduits dans un haut fourneau où un flux d’air extrêmement chaud est introduit par le bas. Sous hautes températures, le coke brûle et la mixture produit du fer liquide, connu sous le nom de fonte brute. Le matériau fondu passe ensuite dans un four à oxygène, où il est soufflé avec de l’oxygène pur par une lance refroidie à l’eau, ce qui élimine le carbone et laisse l’acier brut comme produit fini. Cette méthode, premièrement brevetée par l’ingénieur anglais Henry Bessemer dans les années 1850, produit des émissions de dioxyde de carbone de plusieurs façons. Premièrement, les réactions chimiques dans le haut fourneau entraînent des émissions, car le carbone emprisonné dans le coke et le calcaire se lie à l’oxygène de l’air pour créer du dioxyde de carbone comme sous-produit. De plus, les combustibles fossiles sont généralement brûlés pour chauffer le haut fourneau et alimenter les usines de frittage et de pelletisation, ainsi que les fours à coke, ce qui entraîne des émissions de dioxyde de carbone. Au moins 70% de l’acier mondial est produit de cette manière, générant quasiment deux tonnes de dioxyde de carbone pour chaque tonne d’acier produite. Les 30% restants sont produits au travers des fourneaux à arcs électriques, qui utilisent l’électricité pour faire fondre l’acier (généralement de la ferraille recyclée), et qui ont des émissions beaucoup plus basses que les hauts fourneaux. Mais au vu des quantités limités de la ferraille à recycler, la totalité de la future demande ne pourra pas être satisfaite ainsi, a déclaré Jeffrey Rissman, directeur du programme industriel et responsable de la modélisation au sein de l’entreprise Energy Innovation, basée à San Francisco, spécialisée dans les politiques énergétiques et climatiques. Vers une production d’acier plus écologique ? L’utilisation de l’hydrogène Avec les les bonnes politiques en place, le recyclage pourrait fournir jusqu’à 45% de la demande en 2050, explique M. Rissman. « Le reste sera assuré par le forgeage d’acier à base de minerai primaire, d’où proviennent la plupart des émissions.” Ainsi, « si l’industrie sidérurgique prend au sérieux » ses engagements en matière de climat, a-t-il ajouté, « elle devra fondamentalement remanier la façon dont le matériau est fabriqué, et ce assez rapidement ». Une alternative en phase de test remplace le coke par l’hydrogène. En Suède, Hybrit – une coentreprise entre le sidérurgiste SSAB, le fournisseur d’énergie Vattenfall et LKAB, un producteur de minerai de fer – pilote un processus qui vise à réutiliser